Dans le cadre de la continuité du processus de la réforme du système éducatif marocain, une convention a été signée en avril 2022, entre le ministère de l’Éducation Nationale, du Préscolaire et des Sports et la Fondation Marocaine de la Promotion de l’enseignement préscolaire (FMPS).
Suite à cette convention-cadre, la FMPS prendra en charge « la gestion directe des classes du préscolaire et de l'instauration d'un système intégré et inclusif pour la formation des éducateurs, le renforcement de leurs capacités professionnelles, le recrutement de profils qualifiés et l'augmentation du temps consacré à la formation initiale et continue, ainsi que de la mise en œuvre d'un système d'évaluation des compétences acquises par les enfants et de la mise à disposition d'outils pédagogiques, de méthodes didactiques et d'équipements appropriés qui tiennent compte des spécificités de ce type d'enseignement ». Ladite convention a été différemment reçue par le public intéressé. Ceux qui sont pour, voient qu’à travers ce projet, la FMPS va mettre en œuvre toute son expérience cumulée depuis des années dans la formation initiale des éducatrices et éducateurs ce qui pourrait asseoir un enseignement préscolaire de qualité. Pour les opposants, le pas est mal calculé, ils considèrent cette convention comme une sorte de « privatisation » du secteur, ou une dévolution à la FMPS de gérer ce secteur fondamental à sa guise tout en le menant vers une voie unique barricadant tout autre projet susceptible d’apporter une plus- value au secteur.
Une réforme dans la continuité ou dans la rupture ?
- Déjà en 2000, la réforme orientée par la Charte Nationale de l’Éducation et de la Formation a évoqué, la question du préscolaire et son intégration au cycle primaire pour former un socle cohérent tout en garantissant la parité des chances devants tous les enfants marocains à avoir accès un préscolaire de qualité.
- Le livre Blanc en 2002 parlait d’un programme préscolaire bien défini.
- Le Rapport du Conseil Supérieur de l’Enseignement, en 2008, a évoqué la question de la nécessité d’instaurer un concept pédagogique nouveau d’un préscolaire moderne.
- La Vision Stratégique de la réforme du système éducation et de formation 2015-2030, a considéré, dans son levier 2 (article 9), le préscolaire comme base fondamental de toute réforme, tout en adoptant un modèle pédagogique spécifique au préscolaire dont les finalités, les objectifs sont unifiés.
- Le Cadre curriculaire de l’enseignement préscolaire, élaboré en 2018 par la direction des curricula, dans la cadre de la mise en œuvre du programme national du préscolaire, un projet ambitieux visant à unifier les conceptions et les interventions des différents partenaires du secteur.
- La loi Cadre 51/17 de l’Éducation et de la Formation, paru en 2019, considérée comme une sorte de contrat national obligeant toutes les parties prenantes à s’engager à la mise en œuvre des orientations de la Vision Stratégique . Ladite loi stipule dans son article 8, l’obligation d’ouvrir le préscolaire à tous les enfants marocains âgés de 4 ans à 6 ans, et d’intégrer le préscolaire dans le cycle primaire, reprenant ainsi l’objectif soulevé par la Charte en 2000. La nouveauté, est que la loi a précisé un délai de trois ans pour la concrétisation de cette intégration.
Lle dernier projet de réforme du préscolaire, orientée par la Vision Stratégique et épaulée par la loi cadre, vise un élargissement de l’offre pédagogique du préscolaire et une amélioration de sa qualité, notamment la qualification et la professionnalisation des éducatrices et éducateurs du préscolaire. Dans cette optique, plusieurs sessions de formation ont été organisées dans les différents AREF et directions provinciales du Royaume, au profit des éducatrices et éducateurs exerçant déjà sur le terrain. Ces formations visaient la mise en œuvre du cadre curriculaire. Plusieurs domaines étaient touchés lors de ces formations, encadrées brillamment par des inspectrices/eurs pédagogiques (les grilles d’évaluation de ces sessions de formation en témoignent).
Plus encore, le ministère du tutelle, par le biais d’un accord de coopération signé entre le Royaume du Maroc et la Wallonie Bruxelles, a pris en charge la formation de 300 inspecteurs, représentant les 12 AREF, dans le domaine de l’accompagnement des pratiques professionnelles du préscolaire. Et ceci sur une période de trois ans, à moyenne de 100 inspecteurs chaque année. Cette formation qui a débuté janvier 2020 aux locaux de l'école Belge à Casablanca, et qui s'achèvera au mois de juin 2023, alternant une formation en présentiel (une semaine par mois) et une formation en distanciel sur la plateforme Smartschool, sera sanctionnée par un certificat d'aptitude à l'accompagnement des pratiques professionnelles du préscolaire (CAAPPP).
A travers ce qui précède, plusieurs questions m’interpellent :
- D’abord, quel est le sort de cette convention signée avec la Wallonie Bruxelles, qui a coûté une somme colossale aux budgets des AREF et des sacrifices grandioses de la part des inspectrices/eurs ?
- Quel serait donc l’impact pédagogique et l’avantage relatif de cette formation, après la convention signée avec la FMPS ?
- Qui va faire quoi ? Est-ce la FMPS s’occupera des formations initiales, tandis que les corps inspectoral se chargera de l’encadrement in vivo et de la formation continue ?
- Si la FMPS prendra en charge ce secteur dans sa totalité, quel serait le rôle des inspectrices/eurs dans ce cycle fondamental ?
Ces derniers sont les mieux placés pour évaluer les pratiques pédagogiques préscolaires, notamment la transition du préscolaire au primaire qui devrait se faire en douceur.
Pourquoi donc cette historique relative à la réforme ? Pourquoi toutes ces réflexions et questionnements? Tout simplement, pour vous impliquer à répondre à la question posée précédemment : La réforme du préscolaire s’inscrit-elle dans la continuité ou dans la rupture ?
Peut-être certaines de vos réactions pourraient jeter davantage de lumière sur ce sujet épineux dans le but d’éclaircir certaines ambiguités.
Chennoufi Ismail
Inspecteur pédagogique
Direction provinciale de Kénitra